J’aime beaucoup le quartier que j’habite. Il est cosmopolite, la population se divise en gros en trois grands groupes : les africains, les indo-pakistanais et les européens. Tout cela est question d’origine ethnique, je ne suis pas allé demander à chacun d’eux quelle était leur nationalité. J’aime ce mélange bien que je déplore que chacun reste tout de même dans son coin, à quelques exceptionnelles occasions près. Lorsqu’on se promène l’été dans les rues et que les fenêtres des cuisines sont ouvertes, des effluves de toutes sortes viennent embaumer l’atmosphère et il suffit parfois de tourner la tête d’un côté ou de l’autre pour que vos narines franchissent quelques milliers de kilomètres.
Le seul problème que j’avais c’est avec un voisin qui était à 4 maisons de chez moi, en diagonale. Ça peut vous paraître loin comme ça, mais il faut savoir que dans une zone pavillonnaire, ça représente une distance d’une centaine de mètres, pas plus. En fait, problème est un bien grand mot, lui, par exemple, n’en n’a jamais eu connaissance parce que je ne suis pas du genre à me plaindre … surtout auprès de quelqu’un qui a 20 ans de moins que moi et qui, à volume équivalent, a une masse musculaire à peu près égale à ma masse graisseuse. Le pouvoir de nuisance de ce voisin s’exerçait surtout dès l’apparition des beaux jours. Il aimait bien utiliser son barbecue. Rien de répréhensible en soi, moi aussi, j’aime assez ça. Non, le problème, c’est que lui, il était pressé. Là où moi je fais prendre mon feu doucement avec du petit bois et des pommes de pin sèches, lui il arrosait ses morceaux de charbon de bois de larges rasades d’alcool à brûler ou d’autres liquides aussi inflammables qu’odorants. Avec sa viande ou son poisson parfumé à l’allume-rapide, il m’a pourri quelques fins de matinées ou débuts de soirées lorsque les courants d’air venaient déposer sur mes buissons la pestilentielle haleine de son mode de cuisson.
Il y a quelques temps je passe dans sa rue et qu'aperçois-je ? une prometteuse pancarte de mise en vente siglée par une des innombrables agences du patelin. Quelques temps après un camion des déménageurs bretons est venu confirmer la bonne nouvelle.
Quelques semaines se passent, les nouveaux arrivants arrivent remplaçant les partants partis.
Et cela a été le début d'un enfer d'un autre genre, le Bébert "merguez pétroléum" avait été remplacé par le Marcel "bricolus briseur de tympans" . Les deux faisant partie de la même famille: les casseurs de nougats.
Ça a commencé par le lapidaire ; l'ouverture du concert a duré une petite semaine, juste le temps que les dents tombent et que les cheveux frisent. Après avoir usé un nombre incalculable de disques sur " je préfère ne pas savoir quoi", le musicien est passé à la tronçonneuse. En effet, le précédent propriétaire n'avait pas eu le temps, entre deux incendies de grillades, d'entretenir ses thuyas. Ceux-ci, en quelques années avaient atteint une altitude qui frisait le record établi par Jojo les doigts verts en juillet 1957 avant que le scintillatrix festiva ne vienne mettre bon ordre à cette épidémie de haies pinacées. Et oui, le bupreste du thuya avait épargné Bébert et les petites tiges plantées amoureusement par madame avaient prospéré sans aucun frein.
Ceci n'était pas du goût de Marcel qui, fatigué par l'absence de bruit, avait mis en marche sa tronçonneuse. Il nous a pourri avec ça deux bons week-ends; il a fallu y rajouter deux autres journées pour débiter les troncs en morceaux empilables.
Nous commencions à respirer lorsque notre ami s'est aperçu que ces thuyas lui assuraient tout de même une intimité non négligeable. Nous avons craint un moment qu'il se fabrique lui-même un brise-vue à grand renfort de coups de marteau et de visseuse électrique. Eh bien non, c'est un esthète, il s'est acheté des panneaux de bois tressés tout fait qu'il n'avait plus qu'a installer le long du grillage commun.
Mais tout de même, cette période de quelques jours sans bruit qui venait de se passer, ça avait provoqué comme un manque. Il a donc décidé de repeindre ses panneaux de bois, pas avec un pinceau ou un rouleau, comme le commun des banlieusards, mais avec un pistolet à peinture doté d'un compresseur à forte production de décibels.
Il vient de terminer cet exercice et nous nous demandons, dans le voisinage, avec un début d'angoisse avec quel instrument il va agrémenter ses futurs concerts.
Je n'y croyais pas tellement, étant peu versé dans les sciences occultes, mais je commence à être persuadé, étant donnée la succession des beaufs dont elle nous gratifie, que cette maison est hantée.
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