vendredi 29 juin 2007

Les mauvais coups ...

Tous les ans, à pareille époque, les télévisions et radios font le ménage dans leurs grilles de programme.

C'est le début des vacances, tout le monde s'achemine vers la grille d'été, plus cool, faite de rediffusions et d'émissions plus légères. Certaines émissions ne reverront pas la rentrée. C'est parfois le moment de déchirements brutaux.

Lorsqu'il s'agit de chaînes et de radios privées, les directeurs de programmes appliquent la politique du ou des actionnaires. Généralement pour des raisons financières, la concurrence étant rude, c'est la course à l'audience qui prime; il faut rameuter le populo afin de lui mettre sous le nez ou dans les oreilles les fenêtres, que dis-je les fenêtres, les baies vitrées de pub en casant, par ci par là quelques émissions bouche-trous bien racoleuses. Rien à dire, chacun fait ce qu'il veut chez lui, et c'est au public de choisir, si tant est qu'il y ait un choix.

Pour le service public, par contre, c'est différent. Les actionnaires, c'est nous et les missions ne sont pas les mêmes. Le but du service public n'est pas de vendre des crèmes pour maigrir et de la malbouffe pour grossir. Comme pour le transport, l'énergie, l'enseignement, la défense, les médias radio et télévision subventionnés par l'Etat (donc nos impôts) et la redevance, doivent apporter quelque chose.

radiofrance

Malheureusement, les décideurs ont plus souvent tendance, dans une fuite vers un maximum d'audience, à faire concurrence au privé et donc, à appliquer plus ou moins les mêmes ficelles. C'est ce qui semble se passer depuis quelques années. Je prends quelques exemples.

L'an dernier, sur France Inter, l'émission "là-bas si j'y suis" de Daniel Mermet est passée de la tranche horaire 17h./18h. à la tranche, moins "exposée" , 15h/16h, lui faisant perdre, par la même occasion près d'un quart de ses auditeurs. Il faut bien avouer que c'était le but recherché. Daniel Mermet et son équipe étant une bande de Bovéistes convaincus et d'empêcheurs de ronronner en rond. Ses reportages sont très bien faits, originaux et subjectifs. C'est un contre-pouvoir très utile au regard du reste des émissions (sujectives elles aussi) dont on nous arrose les sens à longueur de journée. Daniel Mermet, qui a failli abandonner devant ce coup bas, tient néanmoins le choc et poursuit son oeuvre de salubrité publique.

Cette année est apparue sur la tranche 16h30/18h. l'équipe de La bande à Bonnaud. Je vous la présente :

bonnaud2

la jolie dame c'est Sandra Freeman, devant, le petit, c'est Arnaud Viviant, en bleu, juste derrière, le patron : Frédéric Bonnaud, le grand, Hervé Pochon et, pour terminer, Philippe Collin qui a une émission (que je vous recommande) "Panique au Mangin Palace" le dimanche de 11h à midi.

Cette équipe a fait le délice de mes trajets voiture d'après-midi. L'émission était culturelle et plaisante. On y abordait la littérature, le cinéma, le théâtre. Dans ma boîte en fer sur le pont de Villeneuve-saint Georges, au milieu de 36528 autres boîtes en fer, je me suis souvent retrouvé à Avignon, à Angoulême, à Bourges et en plein d'autres lieux où régnait l'actualité culturelle du moment. Les auteurs, metteurs en scène, acteurs étaient cuisinés par Frédéric, Sandra et Arnaud qui les amenaient à présenter leurs oeuvres de manière intelligente, compréhensible par tout le monde, un excellent travail de vulgarisation sympathique, utile et agréable. Hervé Pochon jouait le rôle du journaliste d'investigation et nous a, tout au long de l'année, fait pénétrer des milieux variés (du QG de Sarkozy en campagne au salon de l'érotisme en passant par Rolland Garros) avec une gouaille, un humour et un esprit curieux et faussement naïf. Philippe Collin, lui, croquait, dans un billet bourré de drôlerie, l'invité du jour et son oeuvre. D'autres chroniqueurs intervenaient, parlant de cuisine de manière intelligente, de sport sans les outrances des tribunes, de cinéma, de musique. La programmation musicale était recherchée. Bref, c'était une émission pleine d'humour et de diversité, une émission qui mettait la réflexion à portée de tous. Ca ne pouvait pas durer. Un nommé Schlesinger, directeur de l'antenne, a dû trouver que ça risquait de voler un peu haut face aux grosses têtes et autres graveuleries; il a donc passé l'émission à la trappe et a viré son producteur Frédéric Bonnaud.

bonnaud

Je vous aimais bien, la bande, et nous étions plusieurs centaines de milliers à faire partie, nous aussi, de la bande à Bonnaud. J'espère bien qu'on se retrouvera ... sous des cieux moins obtus.

Quant à toi, France Inter, fais bien gaffe, si tu continues et si tu te RTLises, comme ça en prend le chemin, tu vas perdre un auditeur de qualité.


L'autre mauvais coup, c'est à la télévision, sur France 5 exactement. Je rappelle que France 5 est une chaîne publique, une des étoiles de la nébuleuse France Télévisions.

francetelevision

Et dans le cahier des charges de France 5 figure un impératif : "contribuer à l'éducation à l'image et aux médias". Une des émissions de la chaîne justement "Arrêt sur images" remplissait à elle seule cette fonction. Daniel Schneidermann, ses chroniqueurs et ses journalistes décodaient les images qui nous étaient présentées. La télévision est un outil fantastique pour peu que l'on possède la grille de lecture; cette grille de lecture nous différencie du téléspectateur lambda qui, assommé, envahi par les sons et les images n'a pas le temps, ni même le désir, de faire un tri parmi tout ce qu'il reçoit. Cette grille de lecture, c'était "Arrêt sur Images".

ds

Tout allait bien dans le meilleur des mondes, l'émission, et donc la chaîne, remplissait parfaitement sa fonction. Arrive à la tête de France Télévision Patrick de Carolis. Grandes déclarations ... bla bla bla ... service public .... bla bla bla ... culture ... bla bla bla ... information ... etc.

Oui mais voilà, dans son analyse et sa critique des images, il n'y avait pas que des images du "privé". Le "public" aussi a eu ses petits travers, et Daniel Schneidermann, dans sa grande candeur, a cru qu'il pouvait appliquer la même grille de lecture aux émissions de France Télévision. Il a pêché par manque d'esprit de corps. Au revoir Daniel ... et au revoir grands sentiments, monsieur de Carolis.

Analyse et point de vue sur l'émission par un autre blogueur.

Daniel Schneidermann n'avait pas que des admirateurs et, être imparfait comme chacun d'entre nous, il avait aussi ses défauts. Mais ses émissions étaient rarement ennuyeuses et, quels que soient les sujets, j'avais un réel plaisir à siroter mon bourbon dominical en compagnie des chroniqueurs et journalistes d'ASI.

Donc plus d'émissions sur la télévision à la rentrée; celle-ci a du mal à supporter le miroir et préfère l'éviter. C'est dommage. Enfin, il nous reste le net.

mai68

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